• Saint-Brice-sous-Forêt

Entretien avec Corinne BASTIER, créatrice du programme Jeu t’aide

« C’est pour que la découverte du monde ne se fasse pas dans la souffrance qu’il est nécessaire de travailler sur les particularités sensorielles des enfants autistes »

 

Orthophoniste, Corinne BASTIER s’est installée dans le Val d’Oise en 1999. En 2019, elle a publié chez Dunod l’ouvrage « Faciliter la communication et le développement sensoriel des personnes avec TSA », préfacé par Bernard Rivy. Elle anime des formations dans le Val d’Oise pour transmettre aux parents des moyens simples et ludiques de faire progresser leur enfant en réduisant l’impact des particularités sensorielles.

Que peut faire une orthophoniste, en matière d’autisme ?

Beaucoup de choses ! Mettre en place le langage verbal ou non verbal (PECS, Makaton, CAA…), travailler la compréhension verbale et non verbale (émotions, scènes de vie, relations sociales), la classification, les classes de mots par exemple. Et puis, bien sûr, l’oralité et la sensorialité.

C’est précisément le sujet de votre livre « Faciliter la communication et le développement sensoriel des personnes avec TSA ». Pourquoi avez-vous éprouvé la nécessité d’écrire ce livre ?

Pour pouvoir aider les parents, pour répondre à la détresse de ces familles qui appellent pour trouver des professionnels, lesquels sont tous débordés. Au début, c’était un fascicule très court, puis le livre s’est étoffé à mesure de mes recherches, de mes interactions avec les patients et des avis des parents sur ce qui a fonctionné. Les parents m’ont accompagnée dans l’écriture de ce livre, ça a été très enrichissant.

Mon but était de proposer aux parents des choses simples, sans investissement financier ou matériel, et surtout de les aider à comprendre comment fonctionne leur enfant.

Les exercices du programme « Jeu t’aide » s’insèrent dans la vie quotidienne, et sont à pratiquer à n’importe quel moment de la journée, au réveil, pendant les repas ou les moments de jeu, en promenade…

Pourquoi est-ce nécessaire de travailler sur les particularités sensorielles d’un enfant autiste ?

Pour qu’il se « sente » bien, sans jeu de mots. Pour qu’il puisse travailler les fonctions cognitives supérieures, il faut enlever les perturbations sensorielles qui l’envahissent et le bloquent. Pour supprimer la souffrance, car chez certains c’est une vraie souffrance. Et parce que le développement sensori-moteur fait partie des premières étapes du développement, et que c’est par la sensorialité que l’enfant découvre le monde. Alors, si cette découverte se fait dans la souffrance, cela s’arrête : le développement est perturbé et ne se fait pas de façon cohérente. Par exemple : si l’enfant fait tourner les roues de sa petite voiture pendant des heures, il ne va pas expérimenter le déplacement, ni découvrir la notion de gauche-droite ou d’autres notions essentielles.

Quand il s’agit de l’oralité, l’enfant peut même être en danger, par exemple s’il refuse toute alimentation, ou s’il ne reconnaît pas le chaud du froid.

Votre programme est donc très similaire à l’approche Montessori ?

Oui, tout à fait, c’est le même objectif de travailler sur la sensorialité, et la même approche pratico-pratique.

Qu’est-ce qui vous a inspirée pour l’écriture de ce livre ?

Le bon sens, l’expérience de ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas, les formations PECS et ABA que j’ai suivies, les échanges avec les parents qui sont les meilleurs connaisseurs de leur enfant. Les exercices proposés sont tirés de mon expérience ou bien sont des adaptations d’exercices que j’ai trouvés dans des ouvrages ou des sites Internet spécialisés. Ils peuvent être proposés à n’importe quel enfant qui a des difficultés sensorielles : autiste, mais aussi, par exemple, HPI.

Comment avez-vous commencé à travailler sur l’autisme ?

J’ai été contactée par une maman désespérée, qui ne savait pas quoi faire car personne ne voulait prendre son fils de 4 ans. Le terme « autiste »   n’avait pas été prononcé. L’enfant ne parlait pas, mais il avait un bon contact visuel, et l’envie de parler. J’ai fait une formation PECS et me suis lancée dans l’aventure, avec ce garçon qui est maintenant en IMPRO, où il reçoit une formation professionnelle. J’ai aussi travaillé avec un autre petit garçon, qui disait quelques mots et était très agité. A trois ans, il était diagnostiqué psychotique ! A mesure que je me formais sur l’autisme, j’ai identifié ses traits autistiques. Il a aujourd’hui 22 ans, a obtenu un diplôme de CAP en horticulture, travaille en ESAT et est autonome.

Le but est que les parents comprennent le fonctionnement de leur enfant et passent avec lui des moments de jeu agréables

Est-ce le rôle d’un parent d’assumer le rôle d’un éducateur ?

Question intéressante ! Justement, la maman d’un de mes premiers patients TSA a repris ses études et fait une thèse sur ce sujet ! Mon avis est que les parents sont les éducateurs de leur enfant, quel que soit l’enfant, qu’il soit ou non autiste. Le but n’est pas qu’ils remplacent les professionnels, mais qu’ils comprennent le fonctionnement de leur enfant et partagent avec lui des moments de jeu agréables.

Quels retours avez-vous eu après la publication du livre ?

J’ai eu d’excellents retours de la part de professionnels, comme ce docteur de l’hôpital d’Argenteuil qui l’a acheté pour son service et me dit l’utiliser quotidiennement. La maman d’un enfant de six ans m’a dit qu’il était devenu « son livre de chevet » et m’a montré son exemplaire abondamment annoté avec ses observations personnelles. Une autre maman, dont l’enfant est à présent une jeune adulte, m’a dit que c’était « le livre qu’elle aurait rêvé d’avoir quand sa fille était petite ».

Votre livre utilise beaucoup les cartes mentales, pourquoi ?

J’ai une mémoire visuelle et je trouve çà extraordinaire. C’est plus clair et je comprends mieux. Je les utilise aussi en rééducation.

Avez-vous un autre livre en préparation ?

Oui, un livre axé sur le langage, les émotions, etc. Je ne sais pas encore quand il sera prêt à être publié.

Vous donnez aussi des formations sur le programme « Jeu t’aide », expliqué dans votre livre ?

Ce livre a été une belle aventure, une découverte, un enrichissement de ma façon de voir. J’ai plaisir à partager mon expérience, à aider et à essayer de transmettre. C’est pourquoi je donne des formations, au sein de l’association Entraide Autisme, qui est une association de parents d’enfants TSA, et dans le cadre du CMP d’Herblay. C’est pour mieux aider les parents à mettre en pratique les exercices du programme.

Lien vers les formations au programme Jeu t’aide à Saint-Brice-sous-Forêt

 

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